Quand on travaille en double niveau et en double cycle, on doit très rapidement gérer la question de l’autonomie chez les élèves. Ayant quasiment toujours eu des doubles niveaux, j’ai très vite dû apprendre à enseigner d’une manière à favoriser l’autonomie des élèves. Mais même en étant en simple niveau, tu peux développer cela chez les élèves. Je te donne cinq conseils pour réussir !

Travailler en groupes de manière progressive

Ca parait simple mais faire travailler les élèves en groupe est important pour favoriser leur autonomie. Il existe tout un tas de manières de travail en groupe : on peut choisir de travailler en demi-classe, en plusieurs groupes homogènes ou hétérogènes…
Pour ma part, je travaille en demi-classe pour l’étude de la langue mais en groupes de niveau (CE2 et CM1 séparés) en maths, histoire/géo. Le reste du temps, les élèves sont en collectif ou en ateliers selon les notions, les modalités, etc. J’ai donc souvent un groupe en atelier dirigé avec moi et un groupe d’élèves en autonomie mais je ne les lance pas dans l’arène d’un coup. Tout cela doit se faire progressivement. Je me donne toute la période 1 pour semer des temps d’autonomie dans l’emploi du temps où mon seul objectif est de laisser les élèves travailler seuls.
Quand ils ont acquis les règles, les modalités de travail, je multiplie les créneaux jusqu’à avoir au minimum 2h par jour de temps autonomes.

Travailler en plan de travail, contrat de travail, feuille de route…

L’autonomie, ce n’est pas permettre aux élèves de colorier ou dessiner quand ils ont terminé leur travail. Il s’agit d’un réel créneau, présent dans l’emploi du temps, pour que les élèves le situent mais également travaillent une vraie compétence : être autonome. Car pédagogiquement, demander à un élève de “s’occuper” quand il a terminé ses exercices est proche du néant. Il va s’ennuyer rapidement, si ce n’est pas le jour même ce sera les jours ou semaines suivantes.

Tu as sûrement entendu parler de PDT, feuille de route, objectifs de la semaine… sauf si tu as vécu dans une grotte. Cette manière de travailler est devenue indispensable pour moi au cours de ces deux dernières années. Pour y voir un peu plus clair sur ces termes si tu n’es pas tout à fait à l’aise, je te conseille vivement de lire cet article de Profdezécoles qui revient sur les termes, les dispositifs, etc.
Personnellement, j’utilise ce que j’ai appelé les “Objectifs de la semaine”. L’an passé, je notais sur une partie de mon tableau, le travail à réaliser sur les temps d’autonomie de la semaine. Chaque lundi, nous découvrions donc ensemble les activités à faire, je les expliquais, je donnais les informations sur où trouver le matériel, etc. Mais ce n’était ni personnalisé ni différencié. Je me retrouvais donc avec des élèves qui avaient terminé leur travail le mardi tandis que d’autres n’avaient même pas fait la moitié à la fin de la semaine.

Cette année, je change donc ma manière de faire : chaque élève aura une feuille de route en début de semaine avec les activités à faire sur ses temps d’autonomie. Au fur et à mesure des semaines, ces activités seront de plus en plus personnalisées, différenciées et surtout déterminées par les élèves eux-mêmes pour que les élèves deviennent complètement acteurs de ce moment.

Ce système a plusieurs avantages. Déjà, il permet de prévoir longtemps à l’avance le travail qui sera réalisé par les élèves selon mes progressions. Ainsi, les premières semaines, il s’agira principalement de travail de révisions en étude de la langue et maths, puis progressivement j’ajouterai des activités pour aller plus loin en histoire, en géographie mais également des lectures (enquête de Lafouine, ateliers de compréhension de l’implicite…). Les supports peuvent être très variés : exercices écrits, ateliers de manipulation, activités d’écoute (histoire, musique…), visionner un reportage documentaire… L’an dernier, dans le cadre de notre Tour du monde, j’avais laissé les élèves découvrir l’album “Little Lou” en autonomie grâce à l’audio que j’avais mis à disposition sur l’ordinateur. Chaque semaine, les élèves avaient l’occasion de se plonger dans cette magnifique histoire le temps de quelques minutes (j’avais alors découpé la lecture et l’écoute en plusieurs chapitres sur plusieurs semaines).

A la fin de la semaine, nous faisions un bilan. Les élèves faisaient remporter des points à leur équipe selon ce qu’ils avaient accompli (20 points s’ils avaient terminé, 10 points s’ils avaient fait au moins la moitié, 5 points s’ils avaient terminé moins de la moitié des objectifs). Mais je trouvais ce système encore trop bancal et trop collectif.
A la rentrée, chaque élève va donc recevoir individuellement sa feuille de route et ses progrès seront donc privés. Toutes les feuilles de route seront à faire signer par les parents pour encourager les élèves mais aussi pour maintenir le lien avec les parents.
Dans le bilan, il est également indiqué si l’élève passe ou non une clé d’autonomie et cela est mon point suivant justement !

Travailler avec des ceintures, passeports, clés d’autonomie

Pour permettre aux élèves d’évoluer favorablement, on peut leur proposer des paliers d’autonomie. Sylvain Connac a d’ailleurs très bien expliqué dans cet article écrit pour l’Icem34. J’ai trouvé ce fonctionnement très intéressant l’an passé et je l’ai intégré à mon fonctionnement de clés de réussite (je t’en parle ici !).
J’ai donc mis en place des paliers de réussites en maths, en français mais aussi en autonomie. Basée sur les droits et les devoirs des élèves – et donc sur le règlement de la classe, chaque clé permet d’obtenir des privilèges par exemple.

Voici l’exemple de mes paliers de l’an dernier

En liant les clés d’autonomie avec les plans de travail, je permets aux élèves de pouvoir évoluer – ou rétrograder. Toutefois, mon fonctionnement sera légèrement différent à la rentrée.
En effet, chaque enfant recevra une clé vierge. Chaque fois qu’il effectuera une action de la clé supérieure, il gagnera 1/2 de clé. Quand il a récupéré les deux parties de la clé, il gagne la clé. Ces bouts de clé peuvent être gagnées en classe quand l’élève est calme, attentif, sérieux, dans la cour de récréation, quand il aide ses camarades spontanément, quand il prend soin du matériel, qu’il effectue de manière magistrale ses responsabilités ou quand il termine ses objectifs de la semaine. Cela permet une graduation dans l’acquisition de ces clés d’autonomie et surtout permettent de ne pas tout perdre d’un coup quand on ne termine pas dans les temps. Car un élève qui aura travaillé dur pour obtenir sa clé orange par exemple ne devrait pas à se voir rétrograder d’une clé entière s’il a des difficultés à terminer ses objectifs une semaine dans l’année.

Chacun peut trouver l’organisation qui lui convient évidemment, il existe des dizaines de modalités différentes, et il est aussi très facile de créer la sienne. Alors il ne faut pas hésiter à se lancer !

Mettre en place une classe coopérative

La classe coopérative permet aux élèves de collaborer entre eux de manière plus soutenue, plus présente et plus cadrée. De cette manière, on peut mettre en place des tuteurs, des experts de telle ou telle notion.
Par exemple, travaillant avec des clés de réussite, je nomme un élève expert dès lors qu’il obtient la clé rose d’une discipline. Cet élève peut être sollicité pour aider ses camarades s’ils le souhaitent pour passer leur clé ou faire un exercice dans cette discipline sans venir te déranger si tu es en atelier dirigé.

La classe coopérative prévoit aussi des temps de libres échanges avec les élèves et entre les élèves. Il est important d’être à l’écoute de leurs besoins mais aussi de leurs envies. Car un élève qui ne voit ni l’intérêt ni l’avantage pour lui d’être en autonomie aura tendance à être bruyant, déranger, ne pas travailler. Echanger avec eux à ce sujet est très important, on est à l’écoute de leurs propositions, on peut les mettre en place, trouver des solutions quand certaines activités dérangent, etc. Plus les élèves vont se sentir acteurs de ces moments, plus il sera facile de les laisser en totale autonomie sur ces plages dédiées – et même de les augmenter !

Photographie d’illustration. Source

Selon moi, la classe coopérative favorise quelque chose d’essentiel dans nos classes : la confiance. Offrir du temps en autonomie implique que l’on ait confiance en ses élèves pour suivre les règles. Souvent, je lis des commentaires d’enseignants désespérés de devoir mettre leurs élèves en autonomie car ils craignent le bruit, le dérangement, etc. Avoir confiance en ses élèves, c’est aussi partager avec eux, échanger, prendre en compte leurs avis… pour cela, il faut évidemment qu’entre eux, il y ait un climat serein, une ambiance de groupe, mais également avec toi. Car l’enseignant est un élément indispensable à l’autonomie des élèves.

Expliciter ses attentes, les critères de réussite…

Une chose que j’ai apprise au fil de mes lectures sur le travail en groupes et en centres d’autonomie, c’est d’expliciter clairement les critères de réussite. Comment l’élève peut-il savoir quand il a terminé et s’il a réussi ce qu’on attendait de lui ? Même pour un exercice qui nous parait tout à fait facile et à porter, il ne faut jamais oublier qu’il y a toujours un ou deux élèves pour qui c’est plus difficile à appréhender.

Pour expliquer aux élèves ce que j’attends d’eux, j’utilise plusieurs stratégies.
D’abord, pendant la première période, beaucoup d’activités réalisées en collectif seront ensuite proposées en autonomie : de la production d’écrit, de la lecture compréhension, des exercices d’écriture, d’étude de la langue, des ateliers de manipulation… De cette manière, les élèves auront toujours la possibilité de me demander d’expliquer, de réexpliquer, nous corrigeons également ensemble pour que ce soit clair.

Plus tard dans l’année, si j’ai une nouvelle activité à leur faire découvrir, j’instaure des “mini-leçons”. Il s’agit d’un temps très court (10-15min maximum) pendant lequel j’explique aux élèves le nouvel atelier, les consignes et les critères de réussite. Ensuite, des élèves sont choisis pour mettre en scène l’atelier devant tout le monde. On peut ainsi discuter de ce qui a fonctionné ou non, de ce que j’attends d’eux, ce qu’ils doivent faire précisément : se lever, aller chercher le matériel, faire l’activité, ranger le matériel…
Par exemple, il y a deux ans, j’ai présenté aux élèves un atelier de lecture en dyade. Après leur avoir expliqué le fonctionnement, deux élèves se sont proposés pour le faire devant leurs camarades. Nous les avons observés faire pendant quelques minutes (prendre le matériel, se mettre d’accord sur qui lit, comment, etc…) puis avons fait nos commentaires : A. lit trop fort et dérange ceux qui travaille calmement plus loin, C. n’a pas aidé A. à ranger le matériel…
C’est très enrichissant pour tous et cela pose clairement les attentes que j’ai. Je me rends parfois compte que mes consignes ne sont pas assez claires, alors je dois les expliciter pour qu’elles soient comprises de tous.

Enfin, il m’arrive aussi d’expliquer à un élève ou à un groupe d’élèves un atelier ou un exercice. Je leur demande ensuite de l’enseigner à leurs camarades en binômes ou en petits groupes. Pour cela, il faut être de nouveau extrêmement précis sur les consignes, ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Entre eux, les élèves arrivent à transmettre parfois plus facilement certaines consignes. Et leurs camarades sont souvent plus réceptifs quand c’est un ami qui leur montre un atelier que la maitresse !