Depuis mon début de carrière en 2016, j’ai quasiment toujours eu des CM1. Quand j’ai passé le concours, j’ai fait un stage en PS-MS puis en CM1, ensuite j’ai fait mon année de stagiaire (PES) en CM1, lors de ma première année de titulaire comme brigade, j’ai passé 5 mois avec une classe de CM1. Et depuis que je suis T2, je suis titulaire de ma classe de CE2-CM1. A la rentrée, j’y ferai donc ma troisième année de maitresse et directrice.

Les appréhensions

Il est tout à fait normal de paniquer quand on découvre un double niveau, et encore plus quand il s’agit d’un double cycle. Et ce doit être le double cycle le plus répandu même s’il existe des configurations encore plus difficiles à gérer comme des CP-CM2 ou même des triples, quadruples niveaux… Mais il suffit simplement de trouver SON organisation pour ne pas sombrer dans les préparations. Je vais te présenter la mienne, qui n’est ni parfaite ni idéale ni à copier sans adaptations. J’ai tâtonné des mois et des années avant de trouver ce qui me convenait, et ce qui convient à des élèves ne convient pas forcément à d’autres.

Les appréhensions peuvent aussi venir des parents. Dans ma classe, j’ai une minorité de CE2 (entre 3 et 6 chaque année), les parents sont donc souvent inquiets à l’idée que je ne m’occupe que des CM1 ou que je les évalue de la même manière. Il faut donc dès la rentrée, les rassurer. Les CE2 font du CE2 et les CM1 font du CM1. Si certains enseignements sont communs, c’est que les compétences travaillées sont communes aux deux niveaux ou bien que j’adapte l’évaluation de chaque élève. C’est souvent évident pour nous mais ça ne l’est pas toujours pour les parents, alors pense bien à leur dire. J’en profite aussi toujours pour leur dire que je suis partisane du “nivellement par le haut” : je propose des thèmes, des exercices, des projets, des lectures, parfois difficiles mais toujours à leur portée. Le but est de les sortir de leur zone de confort pour les faire avancer. Evidemment, parfois cela veut dire que les CE2 vont plus loin dans les apprentissages et les compétences attendues à la fin de l’année mais ça ne fait jamais de mal, bien au contraire !

L’emploi du temps

C’est LE casse-tête, déjà avec un simple niveau c’est dur de tout caser mais quand on commence à avoir des doubles niveaux avec des heures d’enseignements à respecter par semaine qui sont différentes, c’est l’arrachage de cheveux assuré. Dans ces cas-là, une seule solution : ne pas tenir compte des heures. C’est tout simplement impossible sans faire une partie de Tétris avec les matières et jongler sans arrêt. J’ai très vite abandonné l’idée de faire toutes les heures demandées dans les documents officiels et au final, sans même essayé, je pense que je ne suis pas loin de les faire puisque toutes les disciplines s’entrecroisent : on fait du français en musique et des mathématiques en histoire…

Je te mets ci-dessous mon emploi du temps. Quelques précisions :
– je ne travaille pas le mardi, j’ai donc placé tout à fait aléatoirement les disciplines que ma collègue a en charge ce jour. Il manque sûrement et je sais qu’elle n’organise pas ses journées de cette manière, c’est simplement pour vous donner une idée ;
– je fais deux groupes en étude de la langue mais il s’agit de groupes homogènes avec CE2 et CM1 mélangés. Ici, je fais un groupe avec des élèves fragiles, plus lents, ayant besoin de plus de temps pour travailler les notions et un autre groupe avec des élèves plus à l’aise et rapide avec qui j’avance plus rapidement. Toutefois, même si j’effectue les séances de découverte en commun, les exercices sont différenciés entre les deux niveaux ;
– la récréation de l’après-midi a bien lieu de 16h40 à 17h. C’est une organisation privilégiée depuis le début de l’année dans mon école pour permettre aux élèves de goûter avant de partir à la maison ou la garderie (ils doivent souvent prendre le bus 20min après la fin des cours pour se rendre ou chez eux ou sur le site avec la garderie). Les parents comme les élèves y adhèrent.

Travailler en ateliers ou en 1/2 classe ?

Depuis deux ans, je cherche une manière de travailler qui me convienne. J’ai très vite été emballée par la classe flexible mais je ne savais pas très bien comment m’y prendre. J’ai tenté de travailler en ateliers tournants en étude de la langue d’abord. Pendant 1 heure, les élèves étaient répartis en groupe et tournaient sur 3 à 6 ateliers (exercices d’application, découverte de notion, exercices de manipulation, lecture, écriture,…). J’ai ensuite essayé de faire tourner 6 ateliers sur 1 semaine avec 6 groupes d’élèves. Chaque groupe faisait donc 2 ateliers par jour de 1 heure. Cela fonctionnait plutôt bien mais j’avais beaucoup de mal à m’organiser. et surtout, je n’arrivais pas à gérer le bruit généré par les rotations d’ateliers.

Cette année, au mois de janvier, j’ai totalement changé mon fonctionnement. J’ai privilégié le travail en 1/2 classe : soit par niveau, une fois avec les CE2 et une fois avec les CM1 comme en maths ou en histoire/géo, ou bien en groupes homogènes avec les deux niveaux mélangés comme en étude de la langue. Pendant qu’un groupe est avec moi dans le U autour du tableau, l’autre groupe est en autonomie sur ce que j’ai appelé “Les objectifs de la semaine”. Il s’agit d’activités à réaliser sur la semaine sur tous les temps d’autonomie que les élèves ont (et tu peux le voir sur l’emploi du temps, ils en ont beaucoup !). Dans ces objectifs, les élèves retrouvent le principe du plan de travail sans vraiment de différenciation cependant.

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Si je compte continuer de fonctionner de cette manière l’an prochain, je pense l’adapter encore plus, surtout le côté objectifs de la semaine que je souhaiterais plus personnalisé et différencié pour chaque élève. J’y réfléchis encore mais j’ai déjà une bonne base de travail. J’ai lu le génialissime article de Profdeszécoles sur les plans de travail, feuille de route,… et il est bourré d’informations indispensables pour travailler de cette manière.

Je souhaiterais aussi investir un peu plus les espaces de la classe. Avoir des “coins” comme on peut le retrouver dans les ouvrages de Debbie Miller, Les centres de littéracie. Je ne pense pas, en tout cas à l’heure actuelle, travailler exclusivement en centres mais j’aime beaucoup le principe et je pense adapter cette organisation pour avoir quelques espaces repères pour les élèves. Jusque là, j’ai tenté quelques trucs mais ça n’a jamais vraiment fonctionné car je n’arrivais pas à me les approprier. Il faut encore que cela murisse dans ma tête !

S’organiser soi-même

Pour travailler efficacement, il faut être organisé. En double cycle, c’est encore plus le cas car il n’y a pas du tout les mêmes attendus à la fin de l’année.
Pour cela, il faut trouver l’outil qui permettra d’être efficace : planner, organisateur, classeur, cahier… à chacun ses préférences. Mon année de PES, j’utilisais un cahier pour y noter toutes mes préparations chaque jour. Pendant mon année de brigade, j’ai utilisé un classeur que j’ai plus ou moins poursuivi l’année suivante avec ma classe. Cette année, j’avais investi dans un Teacher Planner ce qui me convenait beaucoup mieux ! Exit les pages à rallonge avec le détail de toutes mes activités, je ne fais plus ni cahier journal ni fiche de préparation. Déjà parce que j’utilise beaucoup d’outils clé en main, mais aussi parce que je n’en vois pas absolument pas l’intérêt. Quand on est pris dans notre séance, on ne s’arrête pas toutes les 5min pour lire sa fiche de préparation. D’autant que généralement, la séance ne se passe JAMAIS comme on l’avait prévu ! Alors soit on se retrouve à essayer de raccrocher les wagons comme on peut, soit on arrive à s’en décrocher pour rebondir sur ce que nous apporte les élèves.
Pour l’an prochain, j’ai créé mon Digital Teacher Planner pour retrouver toutes les informations dont j’ai besoin dans un seul et même outil : plus besoin de courir à droite et à gauche, d’avoir un agenda, un planner, un classeur avec les infos des élèves, là tout est réuni et sous la main ! J’y inscris simplement les disciplines, les documents à préparer et ensuite je me réfère directement aux manuels dont j’ai besoin (si j’en ai besoin, au bout d’un moment, on commence à s’y habituer et donc à connaître le déroulement des séances).

Il faut aussi prendre connaissances des séances en amont quand on utilise des outils clé en main. Il m’est arrivé de ne pas vraiment préparer mes séances et je me suis retrouvée un peu bête quand j’ai du lire certaines consignes. Ca fait perdre du temps aux élèves et du coup, on perd rapidement le fil de ce que l’on fait. Du coup, je jette toujours un rapide coup d’oeil quand je fais mes progressions et puis d’une semaine à l’autre j’essaie d’être à jour pour ne plus être prise au dépourvu.

La première année où j’ai eu ma classe, j’ai voulu tout faire trop rapidement : classe flexible, j’ai retiré mon bureau, etc… Mais je suis relativement bordélique et moyennement organisée. Du coup, je m’étale partout dans la classe, je perds mes affaires parce que je me déplace tout le temps et je ne retrouve plus où j’ai mis telle ou telle chose… A la rentrée, mon bureau fait son grand retour en classe dans un espace commun avec les élèves. Pour l’instant, je ne peux pas encore te montrer mon aménagement de classe puisque protocole sanitaire oblige, pas d’espaces communs actuellement. Mais c’est un chantier pour cet été, et j’ai déjà hâte de m’y atteler !
Etant à temps partiel, il était aussi essentiel pour moi que ma collègue soit aussi à l’aise lorsqu’elle a la classe. Je la laisse libre à 100% de tout. Pas question pour moi de lui imposer un fonctionnement ou un aménagement qui ne lui convienne pas. Je lui soumets donc des idées, elle me dit ce qu’elle en pense et si elle se sent capable de gérer ou pas. C’est important que les élèves se sentent bien mais aussi les enseignants !

L’espace de la classe : mélanger ou séparer ?

J’ai toujours séparé visuellement les CE2 des CM1, c’est toujours plus facile. Depuis que je travaille en 1/2 classe, c’est moins nécessaire selon moi. L’an prochain, j’aurai seulement 3 CE2, je me vois difficilement les isoler, cela conforterait vraiment un clivage parfois très présent entre les élèves.
Très sincèrement, je pense que cela dépend du nombre d’élèves que tu as, de la configuration de la classe et surtout de ta manière de travailler. Il n’y a finalement pas de bonne recette. Toutefois, il faut être pragmatique : si on a tendance à travailler par niveau, il vaudrait mieux privilégier une organisation spatiale également par niveau ; au contraire, si on travaille comme moi en 1/2 classe ou en groupe homogène, c’est possible de mélanger les élèves et d’avoir un réel groupe classe – j’en reparle un peu plus loin.
Si le sujet de la classe flexible t’interroge, je te conseille la lecture du formidable ouvrage “Enseigner en classe flexible” de chez Retz mais aussi les livres de Debbie Miller.

Mot d’ordre : l’autonomie !

Quand on travaille en double niveau, en double cycle, et de manière générale, il faut rendre les élèves autonomes. Travailler en ateliers, en 1/2 classe ou encore en autonomie, ça s’apprend et ça prend du temps ! C’est un ensemble de compétences à acquérir pour les élèves et pour cela, il faut leur montrer ce que l’on attend d’eux. Dans un des livres de Debbie Miller – j’avoue ne plus me souvenir duquel, elle mentionne le fait de faire des mini-leçons pour expliquer aux élèves les objectifs de chaque atelier, les critères de réussite, les manières de faire. Pour cela, elle préconise, avant chaque mise en activité, de mettre en scène deux ou trois élèves pour montrer à tous ce qu’il faut faire, de quelle manière, et comment ils savent lorsqu’ils ont terminé/réussi leur tâche. En début d’année, je multiplie donc les mini-leçons, je rappelle les règles du travail en autonomie, on discute beaucoup de leurs difficultés, de ce qui les gênent ou au contraire ce qu’ils apprécient. Evidemment, ce temps passé à expliquer, critiquer, étayer, est pris sur le temps des apprentissages. Mais c’est du temps de gagné pour tout le reste de l’année ! Je le fais donc durant toute la période 1 systématiquement, chaque jour et parfois même plusieurs fois par jour. A partir de la période 2, on rappelle les règles, on présente de temps à autre de nouvelles activités mais cela reste plus ponctuel. Toutefois, après chaque rentrée de vacances, il faut bien rester prudent : les habitudes doivent être reprises progressivement et il faut souvent répéter régulièrement les règles.

Je m’appuie aussi sur les élèves plus autonomes et souvent plus rapides pour aider, devenir des tuteurs ou des experts en telle ou telle matière. Ainsi, quand un 1/2 groupe est en autonomie, les élèves ne peuvent pas venir me déranger : je suis occupée avec l’autre groupe. S’ils ont des questions, des difficultés, ils se réfèrent alors à leurs camarades. Si aucun n’a la réponse à leurs interrogations, ils s’inscrivent alors sur le SOS Maîtresse (une idée originale de Maitresse Sev il me semble). Pour cela, j’ai aménagé autour de mon bureau (qui a fait son come-back dans la classe) un espace pour deux élèves maximum afin de travailler en petit comité et avoir un temps privilégié pour revenir sur des difficultés.

Fédérer sa classe

J’essaie de travailler le plus possible de manière commune car il ne faut pas oublier qu’il s’agit avant tout d’une classe. Les élèves, quelque soit leurs niveaux, doivent pouvoir se côtoyer quotidiennement : par là, j’entends collaborer, discuter, coopérer, échanger… Si on a tendance à tout séparer (alors déjà chapeau bas parce que c’est un sacré boulot !), on peut rapidement oublier que l’un des objectifs principaux de l’école est d’apprendre à vivre ensemble. Il ne faut donc pas oublier de mélanger de temps à autre les CE2 et les CM1.
Pour cela, vous pouvez très bien travailler par thèmes ou par projets. Aurore en parle dans son article sur son blog, son thème de classe Harry Potter a crée un vrai lien entre ses élèves.
Cette année, j’avais utilisé le même principe que les maisons avec les continents puisque mon thème était le tour du monde. Tous les élèves ont été forcés de collaborer et de se mélanger, faisant partie d’une même équipe mais surtout d’un même ensemble : toute l’école avait participé, c’était génial ! Le thème de classe permet donc de fédérer tout en créant un fil rouge à suivre tout au long de l’année avec ses élèves : tour du monde, voyage dans le temps, Harry Potter, la mythologie, les détectives… il y en a pour tous les goûts. Et c’est ton enthousiasme et ton dynamisme qui va surtout permettre aux élèves de s’engouffrer dedans !

Pour fédérer, je propose aussi des activités toute l’année pour se dépasser, apprendre, à travers la découverte de la nature. D’une balade pour ramasser les déchets, à une sortie scolaire, une rencontre sportive interclasses, une randonnée, un projet potager… il est possible de tout transformer en une activité où tous les élèves collaborent, s’encouragent, se sentent faire partie d’une même équipe. Dernièrement, nous sommes partis en randonnée avec les élèves : quelle joie de les voir s’attendre, se montrer leurs découvertes, s’encourager dans les montées difficiles pour certains.

Le matériel

Je sais que beaucoup d’enseignants différencient le matériel des élèves selon leur niveau. Une couleur de cahiers différente, un format différent… Personnellement, je n’en vois pas vraiment l’intérêt. Tous mes élèves ont le même matériel, ce qui me convient parfaitement. J’évite de cette manière toute prise de tête inutile et parasite !
J’ai par ailleurs écrit un article autour du matériel utilisé par mes élèves dans lequel tu trouveras aussi toutes les informations autour des méthodes que j’utilise pour ce double niveau.

Je vais m’arrêter ici pour l’organisation générale. Cet été, je posterai mes progressions ainsi que d’autres outils que j’utilise dans ma classe. N’hésite pas à me faire part de tes remarques et tes questions si tu en as !

A très vite,

Meghann