Je t’en parlais sur Instagram, je n’évalue pas ou peu avec des évaluations telles qu’on les connaît. Kézako ?

Il existe trois types d’évaluations différentes si on se réfère à ce qu’on apprend à l’INSPÉ : l’évaluation diagnostique qui permet, comme son nom l’indique, de faire le bilan de ce que sait déjà l’élève sur une notion ; l’évaluation formative, qui vient faire le point pour savoir où en est l’élève et ce qu’il lui reste à acquérir afin de lui permettre d’avancer à son rythme ; et l’évaluation sommative qui arrive à la fin d’un parcours (séquence d’enseignement par exemple) pour que l’élève restitue ce qu’il a appris.

Si en maths et français, on peut évaluer quotidiennement l’avancée des élèves grâce aux exercices faits dans les cahiers, il est plus difficile de jauger ce qu’un élève a retenu d’une séquence d’histoire ou de géographie sans faire un contrôle. Or, c’est tout ce que les élèves redoutent, et en particulier dans ces matières où peu se sente à l’aise.

Alors comment faire pour évaluer sans évaluation ?

Je me suis beaucoup posée la question de comment vérifier que les compétences des élèves étaient acquises, sans pour autant les assassiner d’évaluations, de tests, etc.
Il y a trois ans, j’ai effectué un remplacement (j’étais alors brigade) en CM1 de février à la fin de l’année. J’étais à temps partiel sur cette classe d’une école REP, partageant donc la classe avec la titulaire. A ma charge, parmi toutes les matières, j’avais la géographie. Parce qu’on me demandait des résultats, il me fallait évaluer ces élèves. Malheur m’en a pris ! Ca a été une catastrophe.
Pourtant, j’avais fait tout comme on m’avait appris : j’ai repris les exercices réalisés pendant la séquence, sans même changer ni consigne, ni items. Pour moi, il fallait simplement que l’élève ait été attentif en classe, qu’il relise un peu ses leçons, et le tour était joué.
Sauf que voilà, difficile de ne s’appuyer que sur ça quand les élèves sont dans un milieu qui ne favorise ni le travail en classe, ni à la maison. Le climat de classe n’était pas assez serein pour que les élèves puissent apprendre convenablement et je ne pouvais pas attendre des parents qu’ils fassent mon travail à la maison.

Alors, au lieu de faire des évaluations en fin de séquence, j’ai proposé aux élèves de leur poser 4 à 5 questions écrites, en début de séance, sur la séance que nous avions fait la semaine précédente. Il y avait alors beaucoup moins à retenir sur une période plus courte. Attention, je ne suis pas en train de te vendre une méthode miracle qui marche à tous les coups, mais j’ai remarqué une nette amélioration des résultats des élèves. En effet, ceux qui étaient attentifs en classe n’avaient pas réellement besoin de relire leurs leçons, ceux qui avaient une bonne mémoire pouvaient très bien s’en sortir sans difficulté, ceux qui avaient plus de difficultés savaient que toutes les questions étaient simples et que les réponses se trouvaient forcément dans leurs exercices.

De plus, chaque série de question était notée sur 5 (soit 1 point par question). Si une séance avait été mal comprise, ce n’était pas grave puisque l’élève pouvait toujours se rattraper sur la séance suivante pour faire une moyenne sur 20 au bout de 4 séances.

Quand j’ai eu ma classe, j’ai abandonné ce système car je n’étais plus obligée d’évaluer les élèves et de les noter (ça me hérisse quand même pas mal les poils cette affaire). La première année avec ma classe, je n’ai quasiment pas fait d’évaluations sur l’année (en même temps, j’ai eu beaucoup de journées de formation et les séances qui ont sauté pour rattraper ce retard, c’était histoire/géo…). Cette année, j’ai choisi de suivre les évaluations des manuels Accès que j’utilise dans ces matières. Et je me suis retrouvée confronter à des angoisses des élèves, des parents, et surtout à cette idée que j’évaluais les connaissances d’un élève à un moment précis, sans moyen de remédiation ou d’étayage pour comprendre son erreur : est-ce parce qu’il n’avait pas compris la notion ? la consigne ? Est-ce que parce que la question était mal tournée pour lui ? Est-ce qu’il était trop stressé pour se concentrer convenablement ?
Même si les évaluations proposées dans les manuels sont en soi très bien faites, je ne m’y retrouvais pas.

Pour la rentrée, je ne ferai donc pas les évaluations proposées dans les manuels mais je reprends le principe que j’avais lors de mon remplacement.

Le principe de mon rituel d’évaluations

Comme je te le montrais dans cet article sur mon organisation en double cycle, j’ai deux créneaux par semaine en histoire/géo. Je fonctionne par séquence et non par discipline : je fais donc d’abord une séquence d’histoire avec 2 séances par semaine (le lundi et le jeudi), puis une séquence de géo avec 2 séances par semaine… J’aime beaucoup cette manière de faire et je trouve qu’ainsi, on donne plus de sens à ces disciplines.

En chaque début de séquence, les élèves prendront une feuille de classeur sur laquelle ils colleront un exercice travaillant une notion ou une compétence faite lors de la séance précédente. Je récupère la feuille, je les corrige, et je valide (ou non) la compétence travaillée. (ici pour les livrets de réussites)

Si l’élève valide sa compétence, il pourra la cocher sur son livret de réussites. Nous aurons travaillé la notion en classe entière puis il aura réussi son exercice. Cela ne m’empêchera évidemment pas de reprendre cette notion plus tard dans l’année pour asseoir ces connaissances. Mais à ce moment-là, il aura validé sa compétence.

Si l’élève ne valide pas sa compétence, pas de soucis. En autonomie (je te renvoie à mon emploi du temps ici), il devra réaliser des exercices d’entraînement sur cette notion pour repasser un petit exercice similaire lui permettant de valider cette compétence. Ces exercices seront disponibles toute l’année afin de rebrasser les notions ou de les valider plus tard. Chaque élève va donc à son rythme.

On rejoint alors un fonctionnement proche de ce que je peux faire en maths et français ou grosso modo, je les évaluais selon les exercices faits dans le cahier du jour. Plusieurs avantages s’offrent alors à moi :
– d’abord on en finit avec les préparations interminables des évaluations (quand on en utilise pas des toutes prêtes évidemment) ou le casse-tête de la remédiation, ici tous les élèves font le même exercice mais la remédiation se fait plus tard, en autonomie, afin de répondre aux besoins de chacun mais que chacun puisse être en mesure de travailler la même compétence ;
– on évite ensuite le stress inévitable des évaluations chez l’élève mais aussi chez les parents. Cette année, j’ai eu un florilège. Lorsque les élèves ont une évaluation, je préviens toujours 3 semaines à l’avance (c’est toujours pratique quand on a ses progressions prêtes et un outil clé en main, tout est prêt !) et je leur propose donc chaque semaine d’emporter les leçons et exercices faits pour les relire tranquillement et éviter de tout relire d’un coup. Sauf que… peu le fait, et du coup, c’est souvent panique à bord la dernière semaine. Et même si je demande aux élèves ET aux parents de ne JAMAIS apprendre PAR COEUR, j’ai toujours des élèves qui se plaignent d’avoir appris la leçon par coeur parce que leurs parents les ont obligés… (comment dégoûter un enfant de ces matières quoi…). Là, on déstresse tout le monde, on relit simplement sa petite leçon le mercredi ou le week-end et on est tranquille !
– de cette manière, j’ai l’impression de mieux travailler et retravailler les documents pour automatiser les réponses des élèves. Je trouve que l’étude de document prend plus de sens. Mais surtout, on retravaille plusieurs exercices différents : leçon à trous, croquis, vrai ou faux, compléter des légendes… J’ai essayé de diversifier le plus possible les exercices pour que d’une séance à l’autre, l’élève ait toujours quelque chose de différent à faire ;
– enfin, je trouve plus clair pour moi, en tant qu’enseignante, de décortiquer chaque compétence et de les évaluer une à une dans ces matières. Evidemment, elles sont transversales et c’est important de les travailler ensemble. Mais, on n’a pas devant nous des doctorants en histoire. Mon objectif principal est que mes élèves retiennent les événements clés et surtout, surtout, de la méthodologie qui est, 90% du travail en histoire/géo (parole d’historienne !).

Un exemple pour être plus clair

Histoire d’être plus claire dans mes propos, voici un exemple avec la séance mise à disposition par les éditions Accès sur leur site. Il s’agit de la 25e séance de l’année, en période 4 sur la vie des paysans à l’époque féodale.

J’ai programmé cette séance pour le lundi 15 mars. Comme prévu dans la séance, nous allons d’abord reprendre la notion de la féodalité (travaillée dans les séances précédentes autour de la relation entre le suzerain et son vassal et entre le seigneur et son chevalier), cette fois entre le seigneur et ses paysans. Ensuite, les élèves découvrent le quotidien des paysans à travers un récit et l’étude d’une miniature médiévale présentant les diverses activités et les outils utilisés par les paysans. Enfin, les élèves comparent les représentations de l’époque et une reconstitution pour comprendre comment vivaient les paysans à cette époque, notamment leurs dures conditions de vie.
La séance s’achève avec la trace écrite.
Les activités sont variées : étude de document, écoute et lecture compréhension d’un récit, questions à l’oral, leçon à lire, comprendre et copier… Il est important que tous les élèves participent pendant la séance, que ce soit pour décrire l’image, pour lire le texte si vous n’utilisez pas fichiers audio, pour faire les exercices qui accompagnent la séance, etc. Plus les élèves seront investis, plus ils retiendront les notions que l’on souhaite leur transmettre.

A la suite de cette séance, les élèves repartiront avec leurs documents dans leur cartable à lire pour le jeudi. Il s’agit alors simplement de RELIRE les exercices et la trace écrite. C’est important de bien accentuer sur le “relire” et non pas “apprendre”. Ca ne sert à rien d’apprendre par coeur en histoire (ou en géographie d’ailleurs). L’histoire c’est une science humaine : il faut retenir un cheminement, une idée, plus qu’une date. En cela, les manuels chez Accès sont bien faits car ils partent d’une thématique plus que d’une chronologie à suivre bêtement. Et si l’élève n’a pas compris en classe, il ne comprendra pas plus à la maison de toute façon.

Le jeudi 18 mars, la séance commence alors avec un petit exercice. Ce rituel dure environ 10mn (il peut être plus court ou un peu plus long selon l’exercice, évidemment) et c’est essentiel que ce temps soit fixé dès le début pour les élèves : si on laisse les élèves finir l’exercice indéfiniment, on perd le côté rituel rapide. Si l’élève n’a pas terminé pour x raison, ce n’est pas grave, il pourra reprendre la compétence plus tard en autonomie.
De cette manière, on automatise aussi les réponses, la méthode de travail. Encore une fois, on ne cherche pas à en faire des doctorants, les questions sont simples et demandent des réponses tout aussi simples.

Tu peux le voir, l’exercice reprend exactement la même miniature étudiée pendant la séance du lundi avec les mêmes questions posées à l’oral. En soi, si l’élève n’a pas relu ses leçons, il pourra quand même répondre aux questions, même de manière vague. On fait aussi appel au bon sens des élèves : décrire une image, analyser un document, répondre à des questions simples le concernant, sont des compétences à acquérir en cycle 3.

Evidemment, lorsque j’effectue ma séance le lundi et que je sais sur quoi les élèves seront interrogés à la séance suivante, j’appuie sur le vocabulaire, je fais répéter les élèves plusieurs fois, notamment les plus fragiles, on y passe plus de temps. Encore une fois, c’est la réussite de tous qui m’importe. Leur donner le plus de clés possible pour ouvrir toutes les portes, c’est le plus important !

Voilà pour mon fonctionnement, au vu du nombre de messages reçus après ma publication sur Instagram, je pense que c’était important de vous partager le fruit de ce travail. Pour le moment, seuls les exercices pour l’histoire et la géographie des CM1 sont disponibles. Je ne sais pas encore si je ferai pareil pour les CE2 (je n’en ai que 4 à la rentrée, j’ai d’autres priorités avant de faire ça !).


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